mardi 13 août 2013

Manifeste pour un éphémère



MANIFESTE DE L’EPHEMERE. Exposition été 2013

Quelques pistes …
« Capter l’éphémère… »  que je complète ici : « … pour en déployer l’éternel» est une phrase  de Lao Tse, philosophe du VIeme siècle before-present. Le travail de création se fait au fond des ateliers et nous y faisons des choix solitaires dont nous espérons qu’ils seront les bons. S’appuyer sur « l‘éphémère »  fait partie de ces choix, une attitude pour  tenter de redonner quelques instants insolites au spectateur.


  •          Attitude philosophique dirions-nous.  Debout dans l’atelier, face à la terre humide ou au plâtre liquide, dans les premiers gestes qui feront la sculpture, je fais un choix. Celui d’un  mouvement, celui d’un intervalle dynamique.  Attitude, qui fera osciller la sculpture aboutie entre  la vision d’un reconnaissable  et sa disparition.  Si je change cette ligne, la lecture de l’œuvre sera totalement différente.
Ce que je cherche dans les sculptures : un moment de vie très précieux, un mouvement très léger, qui effleure une vie et qui écoute le monde. Avant et après ce «reconnu» n’existe pas. J’ai employé le concept dans mes premières expositions de « gestes rescapés de la nuit ».
Donc attitude philosophique choisi vers un élan suspendu, un intervalle, une interrogation.




  •        Attitude poétique en second lieu. Celle de se créer un choix d’écriture, avec le désir de relier des fils graphiques dans une œuvre. L’artiste travaille pour que cette bouteille lancée en mer reste lisible pour un spectateur.
Mise en place d’une écriture : je choisis de représenter un mouvement, une écoute d’un avant et d’un après, je garde une fidélité à l’humain, je regarde le geste du danseur dans la lumière, j’accepte la mémoire des temps dont nous sommes faits, celle de la mer.  Les fils entremêlés dans une œuvre  sont des choix propres à chaque artiste. C’est ce qui fera son écriture, sa poésie. Une vie d’artiste est longue, un fil conducteur se met en place qui mènera de sculpture en sculpture, de matériaux en matériaux vers une interrogation à plusieurs degrés. C’est le processus créatif qui fera l’œuvre, non le produit fini. 
De création en création, comme un essayiste ou un romancier, j’explore comment les formes vont signifier. Interroger l’éphémère toujours, pour en déployer la poésie, ce que Lao Tseu décrit comme « l’éternel »,  c'est-à-dire pour nous la confiance  indicible en ce qui fait recommencer et recommencer la vie, ce qui fait « que nous ne lâchons rien ».  En tant qu’artiste, nous sommes tout à la à la fois d’un orgueil terrible et d’une modestie artisanale. La matière et particulièrement la sculpture sont des arts très lents, très longs pour faire danser la matière par nos intentions créatives.
Ce n’est jamais gagné et  jamais atteint. Artisan de l’éphémère serait un nom de métier qui me conviendrait.


  •   Troisième point d’appui : l’éphémère est attitude politique.  Choisir le mouvement, l’accepter comme action artistique est un choix de résistance. Pour les artistes professionnels de notre génération, nous ne pouvions et ne pouvons toujours pas créer innocents ou pour faire joli.  Faire de la sculpture au 21eme siècle se fait  par une connaissance de ce qu’a impliqué l’histoire de la sculpture.  Cette notion de «représentation» créée par l’artiste n’a été bien souvent que le complice des plus grandes injustices et l’ami des dictateurs toutes tendances confondues. 
En sortant des Beaux Arts, j’ai cherché comment faire de la sculpture. Ce choix d’interroger l’éphémère entre, je l’espère, dans d’autres lectures que la commémoration perpétuelle des puissants ou pire, des sacrés coercitifs. « Donner une voix aux sans voix » est plutôt dans mes objectifs.
Humaine pensant et produisant graphiquement, je prends forcément la parole sur l’état du monde. Et avec la conscience du guetteur. J’y prends une responsabilité, celle d’avoir la liberté de pensée. Si beauté il y a, j’ai fait le pari qu’elle est  dans les métamorphoses perpétuelles et la lucidité libre du geste.

Cette  légèreté, un artiste l’explore pendant plusieurs jours ou semaines pour une peinture, plusieurs mois sur une sculpture et plusieurs années pour un film ou un livre, «le temps du projet», l’enquête.  Cette légèreté se transforme en une question qui ne se soumet pas forcément à l’erreur collective ou à l’indifférence de la nature.  Toujours cet incroyable orgueil et un travail artisanal des plus modestes.

Voilà mon travail, tout cela est dans les œuvres de beaucoup d’artistes. Certaines portent le regard et l’interrogation sur la nature qui nous dépasse, d’autres sur l’organique, d’autres encore sur la fragilité de l’humain.
Visiteur, je vous remercie d’accepter la promenade .


Bénédikte Faugère, Juillet 2013

Texte de présentation lors d'une exposition de cette année. 
Le chemin est long , il y a du travail les artistes. 

ATELIER-EXPOSITION du 2 août au 15 septembre  
RELAIS SCULPTURE ROUERGUE 
2 route d'Auros 33190 LA REOLE
ouvert du jeudi au samedi de 11 h à 19 h  
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